
Il y a deux semaines, nous avons suivi une conférence scientifique sur le Système Solaire et
les Astres. Cette fois-ci, notre approche a été plus culturelle, en explorant comment l’univers, les
planètes et les étoiles ont été représentés à travers l’histoire, l’art et les croyances humaines. Au
cours de cette deuxième séance de notre atelier « Voyage dans l’astronomie », nous avons étudié
quatre thématiques principales: la première portait sur l’Egypte, la deuxième sur Callisto, le
troisième nous évoquait les sphères et le quatrième se penchait sur l’astrologie. Ces différents sujets nous ont permis d’examiner la façon dont l’humanité à perçu et représenté l’univers à différentes époques et dans diverses civilisations. Plutôt que de lire les 4 dossiers en détail ( 1 dossier pour une thématique ), l’objectif était de suivre un parcours à travers ces représentations pour comprendre comment l’être humain se positionne dans l’univers. Car au-delà de la démarche scientifique, l’observation des autres planètes et étoiles est souvent un moyen de mieux comprendre notre propre planète, et par extension, nous-mêmes. Qu’il s’agisse de croyances anciennes ou d’idées actuelles comme l’astrologie, chaque civilisation a cherché à comprendre sa place dans l’univers, en associant souvent des éléments rationnels à des interprétations plus symboliques.
L’Egypte :
L’exemple de l’Egypte antique illustre parfaitement cette vision de l’univers à la fois ancrée
dans l’observation du ciel et imprégnée d’un symbolisme religieux profond. A cette époque, sans la pollution lumineuse que nous connaissons aujourd’hui, les Égyptiens pouvaient contempler la Voie lactée, renforçant l’idée d’une voûte céleste sous laquelle le soleil disparaissait chaque soir pour réapparaître le lendemain. Face à ce phénomène quotidien, ils se sont questionnés: où allait le soleil une fois couché? Pour répondre à cette énigme, ils ont intégré leurs observations astronomiques à leurs croyances religieuses. Nout, la déesse du ciel, jouait un rôle central dans ces explications. En observant la tombe de Ramsès VI, nous découvrons une représentation de cette croyance. Selon la mythologie égyptienne, Nout avalait le soleil chaque soir pour le transporter dans son ventre pendant la nuit, avant de le faire renaître à l’aube.
Ce lien entre les phénomènes célestes et les croyances religieuses s’exprimait aussi dans leur rituels funéraires, notamment pour les pharaons, considérés comme des dieux sur Terre. De la même manière que le soleil renaissait chaque matin, le pharaon devait, lui aussi , mourir et renaître. C’est pourquoi la figure de Nout ornait souvent les sarcophages et les tombes.
Les Égyptiens percevaient donc des analogies partout autour d’eux. De même, en observant la
nature, ils cherchaient des correspondances avec les phénomènes célestes. Un exemple marquant est celui du scarabée bousier, qu’ils associaient au mouvement du soleil. En effet, ils associaient le déplacement de boules de terre par cet insecte au reflet du déplacement du disque solaire dans le ciel. De fait, cet insecte est devenu un symbole solaire lié. Cela montre que pour eux, l’univers et la nature étaient interconnectés, et que chaque élément du monde visible servait à illustrer des vérités plus profondes sur l’ordre cosmique.
Nous pouvons donc en conclure, que les Egyptiens ont perçu l’univers comme un ensemble
étroitement lié entre les phénomènes naturels et leurs croyances religieuses. Chaque observation astronomique servait de point de départ pour élaborer des mythes qui donnaient un sens à leur existence.
Callisto :
Tout comme chez les Egyptiens, la représentation de l'univers dans l’empire romain était
intimement liée à la mythologie et aux croyances religieuses. Les romains percevaient les
phénomènes célestes comme des manifestations de ces convictions mythologiques, et chaque
observation astrale leur permettait d’établir un lien avec leur culture. L’univers était alors pour eux un espace chargé de significations, où les étoiles racontaient l’histoire de leurs ancêtres et leur place dans le cosmos. Les catastérismes et astérismes qu’ils font illustrent cette interconnexion. Le catastérisme désigne le processus par lequel des personnages mythologiques sont transformés en constellations, tandis que les astérismes représentent des groupes d'étoiles formant des figures reconnaissables dans le ciel.
Un exemple emblématique de cette vision cosmologique est le mythe de Callisto, tel que raconté
dans les Métamorphoses d’Ovide. Dans ce mythe, Callisto est une nymphe adorée par la déesse
Diane. Jupiter, le roi des dieux, tombe amoureux d’elle, et pour s’en approcher, prend l’apparence de Diane. Lorsque Callisto découvre la vérité, Diane, au lieu de blâmer Jupiter, rejette Callisto. Junon, l’épouse de Jupiter, furieuse de la trahison de son mari, transforme alors Callisto en ours. Plus tard, le destin de Callisto se complique lorsque sonfils Arcas devenu chasseur tente de la tuer. Jupiter, pris de pitié, intervient et les élève tous les deux au ciel sous forme des constellations de la Petite et de la Grande Ourse.
Les Sphères :
Les différentes représentations antiques du cosmos que nous venons d’évoquer démontrent
l’influence persistante des croyances à travers les siècles. Certainesfigures de mythes tels que la
Grande Ourse demeurent encore aujourd’hui. Par exemple, celle-ci continue d’être représentée sur les globes célestes, témoignant d’un savoir ancien qui, bien qu’ayant perdu sa place dans la science moderne, trouve encore écho dans des croyances contemporaines. Aufil de l’histoire, il devient évident que les savoirs acquis sont souvent conservés, mais adaptés pour s’aligner avec les croyances propres à chaque civilisation. Ainsi, nous allons examiner comment les représentations antiques de la voûte céleste ont évolué vers des interprétations, vers des croyances chrétiennes .
Tout commence avec la conception de l’univers introduite par Ptolémée dans son œuvre Almageste à la fin de l’ Antiquité. Ce modèle géocentrique, où la Terre occupe une position centrale, dominera la pensée pendant des siècles. Dans cette vision, des sphères tournent autour de la Terre. Chaque sphère est associée à un astre : sphera solis (sphère du Soleil), sphera Martis (sphère de Mars) et sphera Saturnis (sphère de Saturne). Ces sphères expliquent par leur rotation les mouvements célestes, caractérisés par une périodicité régulière. Ce modèle s'enracine dans la philosophie grecque qui lie la perfection aux sphères. A partir de là, les chrétiens s’emparent de ces principes antiques pour les adapter à leur représentation de l’univers, y intégrant des éléments de leur dogme. Dans cette vision, Dieu et lesfidèles se trouvent placés dans la dernière sphère, la sphère éternelle, tandis que la Terre, au centre, renferme l’enfer. Cette conception géocentrique s’ajuste ainsi aux exigences de la foi chrétienne.
Une autre dimension essentielle réside dans la hiérarchie céleste décrite par Denys l’ Aréopagite vers 500 ap. J.-C. Selon lui, bien que Dieu soit unique, son pouvoir se manifeste de façon variée à travers les anges et les saints. Pour résoudre la tension entre le monothéisme et la pluralité, il forme la hiérarchie céleste. Denys établit neuf niveaux de sphères : les séraphins, les chérubins, les trônes, les dominations, les vertus, les puissances, les principautés , les archanges, les anges associés à la hiérarchie ecclésiastique : l’évêque, le prêtre, le diacre, les moines, les chrétiens baptisés, les catéchumènes. Mais cette conception ne durera pas. Au XVIIe siècle, l’idée d’un univers géocentrique perd de sa légitimité au profit de la conception héliocentrique. Cependant, cette vision continue d’être symboliquement conservée dans le cadre religieux. Ainsi, les contemporains réalisent que c’est le Soleil, et non la Terre, qui occupe la position centrale du système solaire.
L’ Astrologie :
Cela nous amène à un point crucial : la question de l’astrologie et son lien avec l'être humain.
Jusqu’à présent, nous avons exploré comment les représentations de l’univers permettaient
d’expliquer les observations astronomiques, influencées par la culture. Mais deux autres théories
vont encore plus loin : la théorie des humeurs et l'astrologie. Ces croyances établissent un lien direct entre le ciel et l’humain, non seulement en matière de santé, mais aussi en ce qui concerne le destin.
La théorie des humeurs repose sur un lien symbolique entre l’infiniment grand (l’univers ou le
macrocosme) et l’être humain (le microcosme), bien plus petit. La théorie des humeurs considère
que le corps humain est composé de quatrefluides : la bile jaune, la bile noire, le sang et la lymphe.
La santé d’un individu repose sur l’équilibre de cesfluides ; tout déséquilibre, qu’il s’agisse d’un excès ou d’un manque, entraîne une maladie. Chaquefluide est associé à des qualités spécifiques, et la maladie est interprétée comme une manifestation des qualités d’unfluide en excès. Les saisons jouent un rôle déterminant dans cette théorie. La théorie des climats suggère que les saisons, caractérisées par leur chaleur ou leur humidité, influencent lesfluides corporels. Par exemple, une saison chaude et sèche pourrait aggraver un excès de bile jaune. Cela justifiait certaines pratiques médicales de l’époque, comme la saignée, qui visait à éliminer l’excès de sang pour rétablir l’équilibre. Ce lien entre les phénomènes à grande échelle (les saisons) et la santé individuelle témoigne de cette connexion entre le cosmos et l’être humain.
Bien que la médecine moderne ait abandonné la théorie des humeurs, des vestiges de cette
croyance persistent dans notre langage courant. Des expressions comme “se faire de la bile”, “être mélancolique” ou “avoir un caractère sanguin” reflètent toujours cette association ancienne entre les fluides et les traits de caractère. Par exemple, être qualifié de
“sanguin” signifie aujourd’hui que l’on est facilement irritable, rappelant la chaleur et la force associées au sang.
L’astrologie va encore plus loin dans cette relation entre le cosmos et l’individu. Elle attribue des
qualités spécifiques à chaque personne en fonction de la période de sa naissance. Ces qualités sont modulées par les mouvements des astres, liant ainsi là encore le macrocosme au microcosme.
L’astrologie prétend ainsi prédire des événements ou des comportements individuels et collectifs en fonction de ces mouvements célestes. Ce lien entre le macrocosme et le microcosme s’ancre dans une vision où les astres dictent non seulement le destin individuel, mais aussi les grands événements de la société. Dans les prévisions astrologiques, c’est la régularité des mouvements des astres qui permet de prédire les événements sur de longues périodes. Cette périodicité cosmique permettrait ainsi d’influencer le destin des individus en fonction de l’état de l’univers à un moment donné.
Ce type de prédiction ne date pas d’hier. En Égypte antique, par exemple, les crues du Nil étaient
prédites grâce à l’observation des astres. Ce lien entre le ciel et les actions humaines s’est ainsi
manifesté bien avant l’émergence de l’astrologie moderne. Aujourd'hui encore, l’astrologie prétend expliquer pourquoi nous pourrions tomber amoureux ou nous disputer avec un collègue en fonction des configurations astrales.
Jusqu’à présent, nous avons ainsi discuté de la représentation de l’univers observable,
c’est-à-dire ce que nous pouvons voir et mesurer. Mais comment se représenter des endroits où nous ne sommes jamais allés ? Lors de la prochaine séance, nous approfondirons la manière dont nous imaginons les autres univers, ceux qui nous échappent encore, et nous aborderons également la question de savoir comment envisager un voyage vers ces lieux lointains.
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